Le modèle « Clubhouse » existe depuis 70 ans et sa naissance en 1948 aux Etats-Unis. Il y a désormais 320 Clubhouses dans 34 pays qui accompagnent 100 000 femmes et hommes sur le chemin du rétablissement. Une organisation, Clubhouse International, dédie sa mission à l’essaimage de ce modèle international de rétablissement en santé mentale défini par 37 standards en accompagnant les organisations qui le souhaitent dans un processus d’accréditation qui permet d’assurer de la qualité et du sérieux des structures qui s’y engagent. Accrédité pour la première fois en 2017, le Clubhouse Paris a donc initié le processus de renouvellement de son accréditation début 2020 tandis que les Clubhouse de Lyon et de Bordeaux – qui ont récemment fêté leur 3 ans – se lancent pour la première fois dans le processus. Pour mieux comprendre ces dynamiques, nous vous proposons une interview croisée entre l’équipe du Clubhouse Lyon représentée par Léa, membre, et Sandrine sa directrice ainsi que l’équipe du Clubhouse Paris avec Laurence, membre, et Anouck staff :
Qu’est-ce qu’une accréditation et en quoi consiste-t-elle ?
Sandrine : Pour moi c’est comme une certification de qualité qui valide que le Clubhouse utilise bien la méthode internationale reconnue des standards.
Léa : C’est une véritable auto-évaluation. Dans les faits, nous montons un dossier, le Self study accreditation protocol, et une délégation viendra à l’automne valider notre fonctionnement, ici à Lyon.
Anouck : Concrètement, c’est un gros travail collectif d’autoévaluation, à partir d’une grille de questions sur chacun des standards. Questions en anglais, qu’il faut donc traduire en français pour qu’on puisse travailler ensemble. Ça donne lieu à des groupes de travail où on répond à toutes ces questions. On retraduit ensuite en anglais ce document qui fait une centaine de pages, et on l’envoie à Clubhouse International.
Laurence : Une équipe de deux personnes, membres de la Faculté Clubhouse International, examine attentivement notre auto-évaluation en vue de venir nous visiter un mois plus tard. Ils passent quatre jours avec nous pour participer à tous les temps de vie du Clubhouse. L’après-midi du dernier jour, ils nous présentent le résultat de leurs observations et leurs principales recommandations ou suggestions.
Anouck : Un des deux évaluateurs, Rich, était directeur d’un Clubhouse dans l’Indiana aux Etats-Unis ; l’autre, Knut, était membre d’un Clubhouse Norvégien. En raison de la situation sanitaire, Knut n’a pas pu venir à Paris, et a donc effectué la visite à distance via Zoom.
Pourquoi une accréditation est-elle nécessaire ?
Sandrine : Dans les années 90, beaucoup de Clubhouses ont ouvert. Mais il y avait de tout, et au final on s’apercevait que ce n’était pas véritablement des Clubhouses. Donc pour essaimer le modèle, il a fallu partir du travail sur les standards et effectuer toute une réflexion autour d’eux. L’intérêt est de ne pas faire n’importe quoi car notre public est fragile. La méthode devait être testée, puis essaimée pour que cela fonctionne.
Léa : Une accréditation permet au Clubhouse de se revendiquer Clubhouse International, c’est un peu comme un label.
Comment et par qui est validée une accréditation ?
Sandrine : Par Clubhouse International avec la venue d’une délégation, américaine ou européenne. Un directeur et un membre viendront en immersion, et feront un rapport.
A l’issue de cette visite, nous saurons si le Clubhouse Lyon est accrédité, et nous aurons des recommandations et des suggestions visant à améliorer notre fonctionnement si nécessaire.
Anouck : C’est Clubhouse International qui, en fonction du rapport rédigé par les accréditeurs, délivre la certification. Cette année, notre accréditation a été renouvelée, sous condition de quelques aménagements à faire dans un délai d’un an.
Quelle est la durée d’une accréditation et au bout de combien de temps se renouvelle-t-elle ?
Sandrine : Au bout de 3 ans, quelle que soit l’ancienneté et l’importance du Clubhouse. C’est un grand projet commun et cela nous permet aussi de réaliser à quel point nous faisons partie de quelque chose de plus grand. C’est une étape importante pour le Clubhouse de Lyon.
Le modèle Clubhouse international est-il rigide ?
Sandrine : Non : « les 37 standards ne sont pas la loi mais l’esprit de la loi » comme aime le dire Pauline Nicholls. C’est plutôt comme un guide qu’il faut le comprendre.
Anouck : Les standards sont formulés d’une manière à la fois suffisamment précise et suffisamment large pour qu’on puisse les appliquer en respectant la réalité particulière de chaque pays, mais fondamentalement, les 37 standards sont incontournables. Comment se sont faites les différentes adaptations ?
Sandrine : Tous les deux ans il y a eu des conférences internationales pour revoir certains standards, et c’est dans ce cadre que ce modèle s’est construit. C’est une méthode qui fonctionne, quand on ouvre un Clubhouse on prend vraiment chaque standard et on l’applique en s’adaptant à la culture. Les 37 standards sont très importants, afin que la méthode puisse fonctionner partout. Dans ce cadre l’égalité de relation staff, membres est essentielle.
Standard 3 : Les membres choisissent la manière dont ils veulent faire usage du Clubhouse et le personnel avec qui ils désirent travailler. Il n’y a aucun accord, contrat, programme ou règle visant à obliger les membres à participer aux activités du Clubhouse.
Comment est mené ce projet au sein du Clubhouse ?
Sandrine : Il y a plusieurs réunions hebdo, puis un peu tous les jours. Il y aussi des échanges avec Pauline Nicholls sur différentes parties. L’objectif étant de clore le dossier en juin pour un rendu en septembre. Le projet a commencé en novembre 2020, et il reste environ 30% du travail, les membres se sont emparés du sujet et de la traduction, de sorte que les standards soient accessibles à tous. Les membres sont contents d’accréditer leur lieu, leur clubhouse.
Léa : Il y a eu une répartition des parties du dossier entre différents membres. Nous discutons des questions, des standards, vérifions leur mise en application au sein du Clubhouse, interrogeons les membres du staff ou d’autres membres pour récolter des suggestions et toutes les informations nécessaires à la rédaction. Nous pouvons suggérer des améliorations en fin de chaque partie si nous l’estimons nécessaire. Ce dossier nous plonge au cœur du modèle Clubhouse, par les standards que nous pouvons vérifier un à un, collectivement.
Anouck : En cogestion, bien sûr ! Avec le questionnaire d’accréditation, on reçoit des documents qui expliquent très précisément comment doit être organisée l’accréditation. Ces documents insistent fortement sur le fait que tout ce travail doit être fait en impliquant le Clubhouse entier, membres, directeur et staffs.
Laurence : C’est pour cette raison que nous avons fait des groupes de travail sur chaque standard. Tout le monde doit être mobilisé sur cet exercice de l’accréditation à chaque étape. Un mot de conclusion ?
Laurence : L’accréditation évolue aussi au fil du temps, en fonction de la croissance du Club. Par exemple, cette année, on nous a demandé de développer l’accès à la formation pour les membres et de mettre en place un conseil consultatif ou comité du soutien dédié au Clubhouse Paris.
Anouck : Même si la pandémie a compliqué l’exercice, cette expérience reste une excellente opportunité de remobiliser le collectif autour des standards Clubhouse. C’est vraiment l’occasion de vérifier la valeur de ce modèle en termes d’empowerment via le travail collectif et la mise en commun des talents.
Karine du Clubhouse Paris & Olivia et Julien du Clubhouse Lyon