Les ateliers d’écriture de Delphine de Vigan

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Son nom ne vous est sûrement pas inconnu. Delphine de Vigan est une romancière, scénariste et réalisatrice française. Elle explose aux yeux du grand public avec son roman ‘Rien ne s’oppose à la nuit’ , qui parle du trouble bipolaire de sa mère. Elle anime bénévolement des ateliers d’écriture au Clubhouse Paris qui rencontrent un énorme succès auprès des membres. Marie-Aude et Ange, membres du Clubhouse Paris vous partagent son interview :

Delphine, tu viens animer bénévolement des ateliers d’écriture au Clubhouse Paris, comment t’est venue cette idée et depuis combien d’années ?

Je viens au Clubhouse Paris animer des ateliers d’écriture depuis au moins 4 ans, ce plus ou moins régulièrement en fonction de mes différents engagements et activités. En 2011, j’ai été contactée par Clubhouse France qui recherchait des donateurs et des relais médiatiques. Depuis cette date, je suis donatrice du Clubhouse chaque année. A chaque fois que je peux mentionner le Clubhouse, je le fais. Au fil du temps, j’ai eu besoin de m’engager plus concrètement au-delà des aspects financiers et médiatiques, de trouver une manière d’être plus en lien avec le Club, et ses membres.

Je crois d’ailleurs que ce sont les membres de l’époque qui m’ont suggéré l’idée d’un atelier d’écriture. Je me suis dit que cela répondait à un besoin et en valait la peine. En même temps, je n’en avais jamais animé, c’était aussi pour moi, une grande première. Je me suis lancée pour voir si cela plaisait aux membres, si ça leur apportait quelque chose. Et de fait on s’est souvent beaucoup amusés, l’atelier a pris forme, il y a des membres qui sont devenus très assidus, d’autres qui vont et qui viennent, des nouveaux. C’est vraiment pour s’amuser, pour avoir du plaisir à écrire, mais sans perspective, sans imaginer qu’on va forcément devenir un écrivain grâce à l’atelier d’écriture.

Comment as-tu connu le Clubhouse ?

Je n’avais jamais entendu parler du Clubhouse Paris auparavant. En 2011, Céline Aimetti, Déléguée Générale du Clubhouse m’a contactée après la parution de mon roman « Rien ne s’oppose à la nuit », dans lequel je parle de la trajectoire de ma mère qui était atteinte de troubles bipolaires. C’est ce qui a sans doute conduit Céline à penser que le sujet des personnes atteintes de troubles psychiques pouvait m’intéresser. Elle a insisté pour que l’on se rencontre. J’avais entendu parler des hôpitaux de jour pour les personnes qui sortent d’hospitalisation, mais je n’avais jamais entendu parler d’initiative comme le Clubhouse. Ce qui me plaisait, c’était cette démarche non médicalisée, le maillon manquant entre l’hôpital et le retour à la vie sociale et professionnelle. En tout cas, j’ai trouvé l’initiative du club très intéressante, tout autant que la possibilité de rencontrer ses membres.

Qu’est-ce qui t’a séduite dans cette aventure Clubhouse ? Et en particulier, qu’est-ce que cela t’apporte ?

Animer des ateliers d’écriture m’apporte beaucoup ! Je trouve que ces moments sont riches, chacun a son propre style, son propre registre, ce sont des voix très différentes. Il y a une vraie curiosité de la part des membres qui sont inscrits à l’atelier d’écriture et on passe de très beaux moments. Chaque fois que je viens, c’est très joyeux, très intense humainement. C’est passionnant et très enrichissant.

Cela m’a en effet aidé à comprendre un certain nombre de choses rétrospectivement sur les troubles psychiques, que j’ai connus à travers ma mère. J’aime bien cette idée de me rendre utile, même si je suis consciente que c’est une toute petite chose à l’échelle d’une vie. Un peu de joie, un petit moment de partage, je trouve que c’est très précieux.

Quel regard portes-tu sur les membres que tu rencontres lors de ces ateliers et que penses-tu que cela apporte aux participants ?

Je ne peux pas dire que j’ai une vision générique des membres car ils sont tous très différents les uns des autres. Et d’ailleurs, c’est toujours assez passionnant et émouvant de voir ces différences à l’œuvre dans les travaux d’écriture, de voir à quel point chacun s’empare finalement des mêmes contraintes, en les déclinant de manière très différente les uns et les autres.

J’ai le sentiment d’être aux premières loges pour percevoir la richesse intérieure, la richesse humaine des gens qui participent à ces ateliers. L’écriture des uns et des autres révèle beaucoup de choses, leur incroyable sens de l’humour pour certains, leur spiritualité pour d’autres. Combien de fois avonsnous été subjugués par des jeux de mots, par des écrits, par le sens des récits, par des univers !

Je trouve cela très joyeux et très précieux de voir, de découvrir les univers respectifs des membres. Indéniablement, cela m’apporte quelque chose. J’ai le sentiment que pour ceux qui viennent régulièrement, il y a une vraie confiance qui s’est instaurée et que chacun de ces membres qui participent souvent, se sent très à l’aise pour écrire, se lancer pour lire, et raconter des histoires. Pour moi c’est déjà une victoire, de me dire que les uns et les autres viennent avec plaisir à cet atelier. C’est à chaque fois différent selon les jours, selon l’humeur de chacun, la mienne aussi probablement, selon les exercices proposés. Ce sont des moments humainement très précieux qu’on a la chance de vivre les uns avec les autres. Je trouve formidable que l’écriture permette ça.

« Il y a une vraie curiosité de la part des membres qui sont inscrits à l’atelier d’écriture et on passe de très beaux moments. Chaque fois que je viens, c’est très joyeux, très intense humainement. »

Parle-nous d’un souvenir lors de ces ateliers qui t’a particulièrement émue ou fait rire.

Il y en a beaucoup, mais je pense à un jeu que nous avons fait plusieurs fois : le jeu du dictionnaire. Chaque membre invente un mot, un néologisme puis chacun en invente une définition. J’ai de très bons souvenirs de ces moments-là. Je dois dire qu’on a eu quelques bonnes parties de fou rire.

Parles-tu des ateliers d’écriture au Clubhouse Paris autour de toi ?

Oui, j’en parle souvent. L’atelier d’écriture fait partie de mon emploi du temps. J’aime beaucoup animer cet atelier dans ce cadre bénévole et libre. J’évoque le Clubhouse Paris bien volontiers car c’est une cause qui me tient à cœur.

Quels messages aimerais-tu faire passer au travers de tes ateliers ?

Le message que je veux faire passer, c’est que l’écriture est accessible à tous. J’espère faire sauter un verrou que certaines personnes ont par rapport à l’écriture, qui paraît comme ça un peu intimidante. En fait, tout le monde peut écrire. J’espère qu’au travers de petits exercices ludiques, chacun peut se rendre compte qu’il peut réussir à écrire un petit texte, puis un long texte, puis un plus long texte.

On n’écrit pas forcément pour être écrivain ou pour être publié, on peut aussi écrire parce que c’est intéressant pour soi-même, pour les autres. Ainsi mon premier message, c’est : « lancez-vous, n’hésitez pas à prendre votre stylo, laissez venir, puis vous voyez que finalement ça fait rire, ça émeut, ça touche les autres ».

De façon plus générale, selon toi que peut apporter l’écriture pour des personnes atteintes de troubles psychiques ?

L’écriture peut apporter beaucoup. Je trouve intéressant qu’à travers la fiction, à travers un personnage, les membres se rendent compte qu’ils arrivent à dire des choses très personnelles qu’ils n’auraient peut-être jamais pu dire oralement. L’exercice, la contrainte, la fiction, ça permet de se livrer d’une manière très intime. On sait à quel point le fait de dire les choses, de les écrire, ça peut être libérateur, et dans certains cas thérapeu – tique.

Je l’ai vécu moi – même quand j’étais jeune fille : l’écriture, c’est vraiment un moyen de se connaître soi-même, un moyen d’entrer en lien avec l’autre.

Ecrire et lire à voix haute, c’est un formidable moyen d’entrer en connexion avec l’autre.