Ange du Clubhouse Paris

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Delphine et Yohann, membres du Clubhouse Paris, ont pris le temps d’interviewer Ange. Comme eux, elle fréquente le 7 rue de Lunéville pour prendre son rétablissement en main. Comme eux, elle a d’abord passé la porte du Clubhouse pour ne plus être seule. Elle nous partage au travers de son histoire le fruit de son expérience et de sa sagesse :

Je m’appelle Ange, j’ai 40 ans. Mes amis disent que je suis une personne joyeuse, positive et sympa. Ma mère loue mon courage et ma combativité. Récemment au Clubhouse la coach de vie Carine Gauthier a trouvé que j’ai une personnalité vivifiante. Pendant longtemps je pensais que je ne valais pas grand-chose. Grâce à un traitement adapté, une bonne psychothérapie et aux activités du Clubhouse, j’ai réappris à avoir confiance en moi.

En 2016, j’ai quitté le Cameroun, mon pays pour venir étudier en France. Là-bas la maladie psychique n’est pas bien prise en considération. En tant que femme, camerounaise et africaine, il est important pour moi de participer à la déstigmatisation des troubles psychiques.

J’ai fait des études en arts visuels et j’ai un intérêt particulier pour les activités culturelles, artistiques, que ce soit le cinéma, le théâtre et les visites aux musées. Je lis peu mais j’aime écouter les gens parler de ce qu’ils ont lu. En fait j’aime apprendre, j’aime découvrir d’autres univers. D’où ma participation assidue à l’atelier Café Littéraire du Clubhouse.

Le moment où j’ai déclaré mon trouble psychique à mon entourage a constitué une étape importante de mon rétablissement. Ce n’est pas le nom de la maladie qui compte. L’important était de reconnaitre et d’assumer que j’avais une maladie. Un handicap qui m’empêchait de faire certaines choses comme finir mes études ou monter des projets professionnels. Ce n’est pas parce que je ne voulais pas y arriver, je ne pouvais tout simplement pas. J’ai compris que mon combat n’était pas le même que celui de mes amis. La non compréhension du handicap psychique, dit invisible, est très difficile à vivre. Quand on a des troubles psychiques, s’en sortir n’est pas une question de volonté individuelle mais de combativité collective. Maintenant, mes proches m’acceptent telle que je suis car j’ai appris à être fière de moi. Maintenant, ils sont contents de me voir sourire, d’être capable d’honorer mes rendez-vous et de pouvoir décrocher au téléphone quand il sonne. Leurs attentes ne sont plus les mêmes. Les comparaisons ont cessé.

« Quand on a une maladie psychique, on ne peut pas se rétablir seul. On a besoin des autres. »

Le 30 septembre 2020, lors de ma première journée au Clubhouse, j’avoue que j’étais un peu perdue. Ne pouvant être accueillie à l’hôpital de jour à cause du non renouvellement de mon titre de séjour, mon médecin m’avait vivement conseillé le Clubhouse. J’avais besoin de sortir de la maison chaque jour. J’avais besoin d’être quelque part où je n’étais pas prise pour une patiente. Après cinq années passées sans travailler, j’avais perdu confiance en moi je me sentais isolée et seule. Pour sortir de l’isolement, c’est un combat quotidien qui demande de la patience et de toujours garder l’espoir en tête.

Au Club, je me suis pleinement rendu compte, en faisant des tâches de cogestion, que je mobilisais des compétences transférables dans un cadre professionnel. Je me suis rendu compte que j’avais le sens de l’organisation, des responsabilités et un esprit d’initiative. Je me suis enfin sentie utile. Au début je faisais les activités que je connaissais déjà comme du jardinage, des courses alimentaires ou de la cuisine. Puis, progressivement, j’ai réussi à reprendre confiance en moi avec l’aide des autres membres et de l’équipe des staffs. Je me sentais pleinement exister et j’ai été prête à apprendre à faire de nouvelles activités relatives à la communication en participant à la Cellule Communication. J’ai même réussi à dépasser mon rapport phobique à l’écriture en me lançant dans la rédaction de post Facebook et en participant aux ateliers d’écriture de Delphine de Vigan. C’était une expérience formidable !

C’est grâce au Clubhouse que j’ai réussi à obtenir un logement. Ma staff référente Marie-Ombeline m’a mise en contact avec l’Association Pour l’Amitié (APA) qui propose des colocations solidaires où vivent ensemble des personnes d’âge, d’origines et de cultures différentes. Depuis, le 10 avril 2021, je vis dans un appartement avec sept autres femmes. Il y a une mixité sociale, d’âge, d’origine et de religion. La tolérance et le non-jugement règnent. Je trouve ces différences enrichissantes. Une fois par semaine on se réunit pour dîner ensemble. Je ne suis pas seule et vivre avec d’autres personnes facilite mon quotidien. Nous partageons des conseils, des avis, et même du matériel. Nous vivons non seulement les unes à côté des autres, et aussi les unes avec les autres. Bref, c’est plus qu’une colocation.

Quand on a une maladie psychique, on ne peut pas se rétablir seul. On a besoin des autres : des professionnels de la santé : des psychologues, des médecins, des groupes de parole. On a besoin qu’on nous explique notre trouble. La parole, la pose du diagnostic, l’explication de ses conséquences sont des données essentielles dans le parcours de rétablissement.

J’ai été hospitalisée pendant longtemps. Durant ces neuf mois, certains patients avaient l’impression que je n’étais pas vraiment malade. Ils me disaient « Tu vas bien, tu es souriante, tu arrives à faire du sport, ta place n’est pas ici Ange. » J’avais l’impression d’être trop bien pour être en hôpital psychiatrique. Et quand j’étais à l’extérieur je ne parvenais pas à m’intégrer dans la société. J’avais le sentiment de ne pas trouver ma place. A la sortie de la polyclinique, je devais intégrer un hôpital de jour afin d’entamer mon parcours d’intégration socio-professionnel. Je n’ai pas pu y aller car je n’avais pas encore mon titre de séjour. Maintenant je vois cela comme une chance car cela m’a permis de découvrir le Clubhouse. Très rapidement je m’y suis sentie à l’aise et j’y ai trouvé ma place. J’y ai trouvé des personnes souriantes, intéressantes. J’y ai découvert des personnalités et non des malades. L’organisation en cogestion permet aux membres de pouvoir participer à de nombreuses activités mais aussi de pouvoir en proposer. Je participe pleinement à faire vivre l’association par mon investissement.

Le soutien est vital quand on a un handicap. Si on n’est pas soutenu on meurt. Si on voit quelqu’un se noyer on doit le secourir. Si je n’avais pas été soutenue je serais peut-être morte aujourd’hui. Quand on meurt par suicide je crois que ça affecte encore plus les autres. Non seulement il y a une vie qui se perd mais aussi une partie de notre entourage qui « meurt » aussi.

Rétrospectivement, le dialogue et la communication ont guidé mon parcours de rétablissement. Ma capacité à exprimer mes besoins, mes peurs, ma fragilité et ma vulnérabilité au corps médical, aux staffs mais aussi à mes proches m’a permis de sortir de l’isolement. Il m’a fallu plusieurs années de psychothérapie et soutien de la part de mes proches pour y parvenir. La bienveillance a été la clef de voûte de ma réinsertion sociale. C’est la bienveillance des membres et des staffs qui me donne l’envie de me rendre régulièrement au Clubhouse. C’est la bienveillance au sein de ma colocation qui me permet de tisser des liens avec mes colocataires.

Delphine & Yohann du Clubhouse Paris