Erwan, artiste photographe est membre du Clubhouse Bordeaux et lauréat du projet first step de la Fondation Pierre Deniker. Dans ce cadre, il a pu organiser son exposition pour présenter ses photos de portraits et de paysages mais aussi son expérience de personne vivant avec un trouble psychique. Ces propos sont extraits de la vidéo qui a été réalisée pour lui permettre de présenter son projet malgré le confinement :
« C’était il y a trois ans, j’étais à un bar tranquillement le matin en train de regarder la mer sur un bord de plage. Je me suis dit : « je me fais ch*** »… Parce que même avec de bonnes intentions, ma vie a fini par manquer de mouvement au point de stopper. Ma vie n’a pas réellement stoppé, mais elle n’était plus en mouvement.
Cette démarche est connectée à mon état de santé. J’ai une pathologie sévère, schizophrénie et bipolarité, qui très fréquemment me décrochent et me descotchent de la réalité. Si je veux aller bien, il faut que je m’en donne les moyens. Tout ça, ça fait une spirale vertueuse qui doit rester à tourner dans le bon sens. Si je fais attention à moi, si je prends soin de moi, c’est encore plus vrai pour les autres.
C’était une raison importante, de pouvoir redémarrer le moteur. Alicia (chargée d’insertion du Clubhouse Bordeaux) a tout de suite compris cela et a agi en conséquence. Lors de la création du Clubhouse, c’était complémentaire l’idée de l’entraide par le travail dans cette idée de dynamique de groupe. Pour renforcer la solidité et la confiance en soi des gens qui viennent.
Parce que quand on est très malade, et malheureusement inévitablement mis hors circuit, ça aggrave encore les choses, ça fait un cercle vicieux : on se retrouve encore plus seul, avec encore moins de confiance en soi, et ça crée encore plus de malêtre. Et le cercle vicieux se referme.
L’exposition en elle-même : ok. Mais c’est surtout le mouvement crée pour cette exposition, et par cette exposition. Le fait qu’Alicia ait cru en moi, pour la première fois de ma vie quelqu’un m’a pris au sérieux, à écouter avec attention ce que je disais mais aussi ce que je ne disais pas. Elle a fourni un travail invraisemblable pour que cette exposition arrive, pour qu’elle m’aide à ce que justement ce mouvement continue, mais surtout s’amplifie car ce mouvement existe depuis longtemps, même s’il s’est arrêté parfois.
J’ai l’intention que ce soit un vrai tremplin, que le mouvement s’accélère, qu’il ne se précipite pas, mais qu’il ne ralentisse pas. Au contraire, qu’il aille un peu plus fort et plus vite.
Je remercie toute l’équipe, évidemment Alicia, Jessika, le Clubhouse Bordeaux, Clubhouse France, la Fondation Deniker sans qui rien n’aurait été possible et le professeur Gaillard. »